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La gazette d'Aliahova : actualité de Michel Henry

Actualité concernant le philosophe Michel Henry (bibliographie, informations)

LA GAZETTE D’ALIAHOVA « En tout, henryen! » n. 92, mars 2018

 

 

 

Souvenirs

 

5) Bribes éparses

 

     Il s’agit de fragments de conversations échelonnées au fil du temps et qui sont ici rassemblés fictivement en un seul entretien :

 

 RV : (cela date de bien longtemps avant ce que d’aucuns tiennent à appeler la « trilogie chrétienne » de Michel Henry) : J’ai été surpris d’entendre présenter votre pensée comme chrétienne. Ne pratique-t-elle pas, pourtant, une déconstruction radicale de toutes les superstructures idéologiques, y compris religieuses.

 Michel Henry : Oui, mais cela vaut précisément pour la religion entendue comme ensemble de représentations. Or, ce que je retiens du christianisme c’est, d’une part, son affirmation du caractère sacré de l’individu, d’autre part la reconnaissance du fait que notre vie n’est pas à elle-même sa propre cause, qu’elle se vit dans une radicale passivité et qu’en cette expérience c’est l’absolu même qu’il nous est donné d’éprouver.

 

RV : Pourquoi une telle importance donnée à la culture ? N’est-elle pas une somme de simples représentations qui ne concernent pas l’essentiel ?

M. H. : C’est qu’avant d’être cela elle est d’abord l’ensemble des valeurs que la vie s’assigne à elle-même, l’ensemble des pouvoirs qu’elle  se représente pour mettre en œuvre son auto-accroissement.

 

RV : La conscience est-elle autre chose qu’une structure formelle ? Quelle valeur  attribuer à l’individualité psychologique si le pour-soi est irréductiblement lié à l’irréalité de la transcendance?

M.H. : La conscience n’ajoute rien à l’être, son histoire n’est pas celle de l’être. Et celui-ci est monadique ontologiquement et pas seulement phénoménologiquement. Quant au pour-soi, il ne s’agit pas de le confondre avec la subjectivité qui ne se réduit pas à lui mais le rend au contraire possible, qui est la vie même. En tant que telle, elle est la Réalité qui ne laisse place à aucune interprétation. La conscience, elle, est une instance interprétative qui transforme le réel en simples représentations.

 

RV : La distinction corps objectif-corps subjectif, la réalité du domaine transcendantal ne conduisent-elles pas vers une forme de spiritualisme ?

M.H. : C’est une bonne question, qui soulève un problème réel. L’appellation de « spiritualisme » est acceptable à la nuance près qu’il convient de lui adjoindre une dimension charnelle irréductible.

 

RV : Les diverses théories scientifiques cosmologiques, les mythes religieux de création, ne sont-ils pas des figures selon lesquelles la vie se représente sur un plan mondain  la distinction et la généalogie des deux modes de phénoménalité que sont l’immanence et la transcendance ?

M.H. : Je n’y avais pas songé mais ce point de vue me paraît tout à fait acceptable.

 

     Sur un chemin de randonnée où il est question…de Jésus-Christ, peu de temps après la publication de C’est moi la vérité :

RV : Comment arriver à penser qu’un homme puisse être aussi bien Dieu ?

MH, aussitôt : Ma question serait plutôt, à l’inverse : « Comment se peut-il que Dieu soit aussi bien un homme ? »

 

     A peu près à la même époque, j’ai prêté à Michel Henry le livre de Bernard Dubourg, à mes yeux très important : L’invention de Jésus, Gallimard, 1987, dans lequel il montre comment les personnages des Évangiles sont tous issus de motifs midrashiques et eschatologiques, et non liés à des événements historiques. Il me donne son avis très négatif, avec une gravité extrême : « Ce genre de livre est de ceux qui nous font oublier qu’à l’origine de toute pensée se trouvent l’existence d’un individu réel, la subjectivité d’une vie, qui se trouvent ainsi niées. »

 

     En chemin avec quelques amis sur la digue des Saintes Maries de la Mer battue par les vents, la conversation roule sur le problème du mal et de la justice :

M.H. : Au fond tous les crimes ne se commettent jamais qu’au nom de l’amour : amour s’affirmant dans l’excès ou amour destructeur de ne pouvoir s’assouvir. Quant à la seule vraie justice ce serait celle qui ne tiendrait pas compte de la réalité objective des actes mais de l’intention de celui qui les a accomplis. Il y eut, en Russie, au début du XX° siècle, une brève tentative pour instaurer un tel système mais c’était évidemment impossible, faute de pouvoir établir quelque chose comme une preuve, un témoignage…Mais c’était un beau projet, probablement la seule grande tentative historique d’instauration d’une justice d’inspiration et d’essence chrétiennes.  

à suivre…

 

 

 

 

 

 

 

 

Colloques, cours et rencontres :

 

  • Séminaire Michel Henry dirigé par JeanFrançois Lavigne à l’Université Montpellier

13 mars : Anne Devarieux, Université de Caen : Michel Henry interprète de Maine de Biran

  1. mars : Intervenant à préciser : Michel Henry lecteur de Kierkegaard
  • 15/16 mars, Colloque à Louvain la Neuve : De l’esthésiologie. La réappropriation du sensible et du sensoriel dans la littérature et les arts des XXe et XXIe s. Boris du Boullay : La description de la vie selon Michel Henry, l’exemple de Philippe Katerine 


- III JORNADAS INTERNACIONALES MICHEL HENRY, Universidad Nacional de General Sarmiento, Buenos Aires, 28 y 29 de junio de 2018. Comité de Organización :
Dr. Mario Lipsitz (Director del Programa de Estudios Michel Henry - UNGS).
Dr. Carlos Belvedere (Responsable de proyectos del Programa de Estudios Michel Henry UNGS, CONICET/ UBA). Patricia Ema Knorr (Programa de Estudios Michel Henry –UNGS).

 

  • Université St Joseph de Beyrouth : 2017 / 2018 une série de cours sur Michel Henry sont donnés par Jad Hatem

 

  • Université catholique de Louvain : Le Fonds Michel Henry (UCL) organise un colloque international consacré au concept phénoménologique de « monde ». Profitant du renouvellement des études henryennes, il est aujourd’hui important de faire le point sur le dit « hypertranscendantalisme » de Michel Henry, en partant de sa critique du monde et des réactions qu’elle a elle-même suscitées. Dans ce cadre, il s’agirait de réinscrire ce débat dans l’ensemble de la tradition phénoménologique, pour réinterroger la notion de « monde » à l’aune de cette critique.

Le début du XXème siècle voit fleurir diverses critiques de la rationalisation scientifique et technique du monde. Parmi celles-ci, se trouve celle de l’entreprise phénoménologique husserlienne dans la Crise des sciences européennes. Husserl y déplore la construction galiléenne d’un « monde objectif » occultant ce monde-de-la-vie « qui s’éprouve effectivement ». Le monde étant séparé de l’épreuve dont il est indissociable, il ne reste plus de lui que cet en-soi fantomatique qui se déploie selon ses propres lois. Un monde qui, dans son indifférence à la vie subjective qui l’habite, est devenu, selon Husserl, insensé. Toute la tradition phénoménologique prolonge et renouvelle cette critique du monde objectif. Mais ne risque-t-on pas alors de rejeter le monde avec son objectivité ? Ou la phénoménologie ne se risque-t-elle pas à en faire de nouveau l’épreuve pourle faire réapparaître au-delà ou en deçà de toute objectivation ?

Or les nouvelles descriptions phénoménologiques du monde permises par cette critique, ne sont pas sans implications pour le monde lui-même, qu’elles soient éthiques, socio-économiques, politiques ou esthétiques. Cette interrogation ouvre alors différents champs de réflexion.

Descriptions phénoménologiques

Le concept de « monde » constitue un enjeu crucial dans le débat qui oppose les deux grands courants de la phénoménologie, intentionnelle et non-intentionnelle.

Du point de vue de la seule œuvre husserlienne, la critique de l’objectivité du monde ne la maintient-elle pas en partie ? Pour n’être plus objectif au sens d’indépendant, le monde ne reste-t-il pas « objet » de la conscience, tenu à la distance théorique de l’intentionnalité constituante ? Or, comme le laissent déjà présager certains textes de Husserl, l’objectivité de l’objet n’épuise pas réellement l’apparaître du monde, le comment originaire de sa manifestation. Il s’agit donc de repenser l’épreuve du monde au-delà ou en deçà de toute objectivité. Ce questionnement s’ouvre alors à toute la tradition phénoménologique husserlienne et post-husserlienne, dessinant différents thèmes d’investigation :

Monde - Horizon - imagination 

Le monde se fait-il l’objet d’une saisie, ou l’horizon infini de toute expérience ? Cet horizon résulte-t-il d’une synthèse de nos expériences individuelles d’objets intramondains, ou les précède-t-il (Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty) ? Peut-il être reconduit à une création de l’imagination (Kant, Heidegger, Henry), ou précède-t-il toute création comme toute position ?

Monde - antécédence - subjectivité 

Le monde est-il l’objet d’une constitution, ou la condition de toute subjectivation ? Cette antécédence doit-elle être pensée sur le mode d’une appartenance corporelle et dynamique (Patočka, Merleau-Ponty, Barbaras), comme mouvement individualisant (Fink), ou encore comme l’antécédence de la terre qui supporte et précède toujours son intériorisation (Levinas) ?

Monde -  intériorité - événementialité

Le monde est-il « intérieur », au sens d’inhérent à la structure même de l’être-au-monde (Heidegger) ? Peut-il alors être repensé comme relatif à un projet-de-monde déterminé, configuré et bouleversé par les événements qui nous adviennent (Binswanger, Romano) ? Ou l’intériorité du monde se laisse-t-elle penser comme intériorité au monde, en termes d’appartenance ? Comme « chair » de laquelle nous participons (Merleau-Ponty), « demeure » ou « alimentation » (Levinas) ?

Monde - vie – sensibilité - affectivité 

Comment penser ensemble, le « monde » et la « vie » (Henry, Barbaras) ? Le monde est-il voué à apparaître sur le mode d’une objectivité inerte et désaffectée, occultant l’intériorité pathétique de la vie ? Ou ne peut-il être repensé depuis elle, comme ce monde sensible ou pathétique, de part en part transi d’affectivité, ne s’éprouvant qu’en et depuis la vie ?

Monde - intersubjectivité - altérité

Le monde social et intersubjectif résulte-t-il d’actes empathiques de l’ego (Husserl, Fink, Stein) ? Ou précède-t-il toute existence individuelle (Husserl, Fink, Scheler, Heidegger, Merleau-Ponty) ? Ainsi tissé d’un même flux intercorporel, est-ce à dire que le monde social n’admet pas d’altérité, l’altérité n’apparaissant jamais qu’en dehors du monde (Levinas) ? Ou l’altérité est-elle l’un des modes de son apparaître ?

Enjeux éthiques

La critique phénoménologique du monde objectif de la science et de la technique a comme enjeu éminemment éthique, la possibilité de sa ré-humanisation.Kierkegaard ne disait-il pas déjà de la frénésie d’objectivité qu’elle est une folie de l’inhumanité ? Si diverses pensées phénoménologiques semblent s’accorder sur ce diagnostic, elles n’en divergent pas moins quant aux solutions prescrites. Comment ré-humaniser un monde aujourd’hui largement façonné par les lois objectives d’une technoscience autorégulatrice ? D’où le monde pourrait-il tenir un salut ? Est-ce par le renouvellement de sa rationalité, à condition d’être réinvesti d’une rationalité théorétique originaire, objet d’une connaissance universelle ou d’une rationalité pratique inhérente à sa perception axiologique ? Ou est-ce par un retour à l’affectivité, support et condition même de l’éthique ? Le monde peut-il redevenir un monde-de-valeurs s’il est incessamment reconduit au lieu assumé d’une épreuve affective ? Cette épreuve affective se laisse-t-elle penser comme saisie axiologique de valeurs idéales ? Depuis l’épreuve religieuse que le vivant fait de la Vie absolue ? Ou encore, comme l’épreuve de notre responsabilité face à l’altérité ?

Enjeux socio-économiques et politiques

L’enjeu éthique de cette critique devient sociétal dès lors que le monde objectif devient le monde économique de la vie. L’objectivité du monde social et économique ne s’atteint qu’au prix d’une autre forme d’« aliénation ». Le monde, ainsi régulé par des lois économiques objectives, ne se sépare pas seulement de l’épreuve sensible indissociable de sa perception, mais de l’activité humaine, indissociable de sa production. Et le travail ou l’activité humaine se trouvent arrachés à leur tour à leurs dimensions subjectives et affectives. Se pose donc la question de savoir si l’objectivité du monde relève de son mode essentiel de manifestation ou si elle ne résulte pas plutôt de révolutions historiques successives : scientifique, économique, industrielle et informatique. Comment dès lors repenser le monde socio-économique en deçà de l’apparente objectivité de ses lois ? Comment réinvestir le monde de l’activité subjective et vivante dont il n’est à l’origine que le déploiement ?

Ce questionnement s’adresse tout autant aux lectures phénoménologiques de théories politiques, sociologiques et économiques, qu’aux lectures politiques ou sociologiques de théories phénoménologiques.

Enjeux esthétiques

« Un monde par essence esthétique, écrit Michel Henry, va cesser d’obéir à des lois esthétiques, telle est la barbarie de la science ». N’est-ce pas dès lors l’art lui-même qui peut rendre au monde sa dimension pathétique, sa part d’épreuve constitutive ? Le motif phénoménologique de la fonction salvatrice de l’art face au monde de la technique, peut-il être envisagé du point de vue d’une réhabilitation ou d’une révélation d’un monde esthétique ? Comme dévoilement poétique ? Comme expression du sentir corporel ? Ou encore, comme expression, dans le monde, de toutes les nuances émotionnelles de la vie ?

Modalités pratiques d’organisation

Le colloque est ouvert à toutes les personnes travaillant en phénoménologie et souhaitant proposer une réflexion historique ou problématique sur l’approche phénoménologique du monde ainsi que sur ses enjeux éthiques, socio-économiques, politiques et esthétiques. Sera bienvenue, toute proposition de communication proposant une réflexion sur le monde susceptible de s’inscrire dans l’un des différents axes problématiques dégagés par l’argumentaire.

Le colloque est organisé autour de conférences plénières et d’interventions réparties en sections thématiques.

Toute personne désirant proposer une contribution peut soumettre un résumé de la communication (15 à 20 lignes), à l’adresse suivante fonds-michelhenry@uclouvain.be.

La date limite de soumission est fixée au 1er avril 2018.

Chaque proposition fera l’objet d’un accusé de réception et la décision d’acceptation du comité organisateur parviendra à l’intéressé(e) au plus tard le 20 avril 2018.

Les frais de déplacement et de séjour sont à charge des personnes proposant une contribution (des informations sur les possibilités d’hébergement seront communiquées sur demande).

Un certificat de participation sera délivré à quiconque en fera la demande, la contribution pouvant être comptabilisée dans le cadre de la formation doctorale, selon les normes particulières en vigueur.

Les travaux du colloque seront publiés.

Comité organisateur

JEAN LECLERCQ, Professeur, Fonds Michel Henry, Institut supérieur de philosophie, Université catholique de Louvain

PAULA LORELLE, Chargée de recherche FNRS, Fonds Michel Henry, Institut supérieur de philosophie, Université catholique de Louvain

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie henryenne et publications personnelles (ouvrages) :

 

Je continue de mettre à jour une bibliographie de et sur Michel Henry, commencée il y a plus de vingt ans. Si vous souhaitez la recevoir, n’hésitez pas à me la demander et je vous l’enverrai aussitôt.

 

Philosophie :

 

À l’Orient de Michel Henry, Paris : Éd. Orizons, 2014

 

Épreuve de soi et vérité du monde : depuis Michel Henry, Paris : Éd. Orizons, 2016

 

 

Autres textes :

 

Roland Vaschalde (textes) / Pierre Rivas (photos): Signes d’étangs, Éd. de la Fenestrelle, 2015

 

Roland Vaschalde (textes) / Pierre Rivas (photos): Chaos: Nîmes-le-Vieux, Éd. de la Fenestrelle, 2017

 

L’art de Joëlle Buisson : encres, peintures, haïkus, Éd. de la Fenestrelle, 2017

 

 

 

 

 

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