Actualité concernant le philosophe Michel Henry (bibliographie, informations)
1 Février 2018
Ouvrages consacrés, en tout ou partie, à Michel Henry
- Pathos und Schmerz : Beiträge zur phänomenologisch-therapeutischen Relevanz immanenter Lebensaffektion, hg. Rolf Kühn, Karl Alber, 2017
- Religion and European philosophy : key thinkers from Kant to Žižek |
Routledge, Taylor & Franics Group, 2017 (article de W. Chris Hackett sur Michel Henry)
- Inna Viriasova : At the Limits of the Political : Affect, Life, Things, Rowman and Littlefield International, 2018
Articles et contributions en langue étrangère consacrés, en tout ou partie, à Michel Henry
Anniversaire :
Il y a 30 ans, Michel Henry publiait Voir l’invisible : sur Kandinsky. Par le biais d’une réflexion esthétique, il exposait à travers l’exemple concret de l’œuvre d’art sa théorie de la relation que nous entretenons avec le monde que l’on dit extérieur.
Souvenirs
4) La leçon de Sylvanès
Juin 1991, sur une petite route de l’Aveyron. Je reconduis Michel Henry vers Montpellier, depuis l’abbaye romane de Sylvanès où il vient de prononcer une conférence sur Voir l’invisible et sa conception de l’art. Dans la voiture il revient sur ces thèmes qui le passionnent avant de s’absenter quelques instants dans la contemplation attentive de ce paysage de collines boisées qui va se transformer bientôt en nudité extrême sur le plateau du Larzac. Et puis sa méditation se continue en paroles lentement proférées : il s’agit d’une de ses intuitions qui ont pour caractéristique de bouleverser notre manière habituelle de voir le réel, de nous obliger à penser différemment ce qui nous semblait pourtant évident :
« Au fond, cette réputation qu’a l’art abstrait d’être un art difficile à comprendre, énigmatique, de nature irrationnelle, repose sur une illusion, un malentendu…
Ce que nous montre Kandinsky, ce qu’il met en pratique, c’est précisément la possibilité pour l’art abstrait d’exprimer ce qui, certes, relève de l’invisible mais n’en est pas moins ce que nous connaissons le plus intimement : ces modalités affectives, ces pouvoirs du corps qui sont notre chair même dans l’expérience de soi avec laquelle elle se confond. Il le fait à l’aide d’un code dont chaque élément (couleurs, traits, points…) possède un sens subjectif et pourtant évident précisément parce qu’il s’origine dans cette grammaire universelle et affective de nos tonalités vivantes. Ce qui explique qu’en deçà ou au-delà de toute signification théorique l’artiste et le spectateur puissent partager une même émotion.
Alors que là (il désigne de la main l’étendue du paysage) si on fait abstraction de la simple reconnaissance due à l’habitude, nous n’avons plus aucun repère. Ces arbres, ces rochers ne renvoient à rien que nous connaissions et qui pourrait en rendre compte. Leur être est une pure énigme, il ne renvoie à rien d’autre qu’à lui-même. Nous sommes devant eux confrontés à une apparence déconcertante et brute qui, au mieux, n’éveille en nous que des échos métaphoriques. La perception des choses du monde, si on la considère comme l’expression maximale et paradigmatique de la représentation figurative, doit être pensée, paradoxalement, comme un pouvoir d’accès à des réalités radicalement étranges parce qu’inhumaines, sans ancrage dans une subjectivité qui nous les rendrait proches en quelque façon.
Cette constatation d’une apparence tout entière enfermée en elle-même est d’une grande importance. On voit bien comment l’aspect référentiel de chacune de nos connaissances, de chacun de nos discours, nous rassure face à l’in-quiétante et massive présence de l’étant. Le peintre qui représente un arbre traite un sujet qui lui est familier et qui, de plus, s’insère dans une longue tradition esthétique. Il en va de même, avec d’autres techniques et d’autres résultats pour le peintre abstrait qui ‘représentera’, même si c’est de façon non figurative, le jaillissement arborescent de ses énergies vitales, qu’il connaît trop bien pour les avoir d’abord éprouvées. De même aussi pour celui qui parle et sait, ou croit savoir, parce qu’il maîtrise le signifiant, ce qu’est le signifié : un arbre.
Mais l’arbre en soi, non pas n’importe quel arbre mais justement cet arbre-ci, dans la nudité non référentielle de son pur apparaître, quelle énigme !
Oui, décidément, l’art abstrait est infiniment plus « compréhensible » que la nature ! Et la plus profonde opposition ne réside pas entre lui et l’art figuratif mais bien entre notre univers humain référentiel et la déconcertante autant qu’irrécusable présence de ce qui est, sans notre permission et par-delà toute possibilité d’explication. »
(*) Cette « leçon », saisie sur le vif et couchée sur le papier quelques heures plus tard, n’a été réellement rédigée dans la présente version finale que douze ans plus tard, à partir de ces premières notes. Elle ne saurait donc être tenue pour une reproduction purement littérale des propos de Michel Henry. Je me suis néanmoins efforcé de rapporter le plus fidèlement possible la teneur de ces analyses qui, pour spontanées et de l’ordre de la conversation qu’elles soient, me semblent encore aujourd’hui d’un grand intérêt et d’une grande richesse dans les perspectives qu’elles dessinent.
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Colloques, cours et rencontres :
13 mars : Anne Devarieux, Université de Caen : Michel Henry interprète de Maine de Biran
27 mars : Intervenant à préciser : Michel Henry lecteur de Kierkegaard
- III JORNADAS INTERNACIONALES MICHEL HENRY, Universidad Nacional de General Sarmiento, Buenos Aires, 28 y 29 de junio de 2018. Comité de Organización :
Dr. Mario Lipsitz (Director del Programa de Estudios Michel Henry - UNGS).
Dr. Carlos Belvedere (Responsable de proyectos del Programa de Estudios Michel Henry UNGS, CONICET/ UBA). Patricia Ema Knorr (Programa de Estudios Michel Henry –UNGS).
Le début du XXème siècle voit fleurir diverses critiques de la rationalisation scientifique et technique du monde. Parmi celles-ci, se trouve celle de l’entreprise phénoménologique husserlienne dans la Crise des sciences européennes. Husserl y déplore la construction galiléenne d’un « monde objectif » occultant ce monde-de-la-vie « qui s’éprouve effectivement ». Le monde étant séparé de l’épreuve dont il est indissociable, il ne reste plus de lui que cet en-soi fantomatique qui se déploie selon ses propres lois. Un monde qui, dans son indifférence à la vie subjective qui l’habite, est devenu, selon Husserl, insensé. Toute la tradition phénoménologique prolonge et renouvelle cette critique du monde objectif. Mais ne risque-t-on pas alors de rejeter le monde avec son objectivité ? Ou la phénoménologie ne se risque-t-elle pas à en faire de nouveau l’épreuve pourle faire réapparaître au-delà ou en deçà de toute objectivation ?
Or les nouvelles descriptions phénoménologiques du monde permises par cette critique, ne sont pas sans implications pour le monde lui-même, qu’elles soient éthiques, socio-économiques, politiques ou esthétiques. Cette interrogation ouvre alors différents champs de réflexion.
Le concept de « monde » constitue un enjeu crucial dans le débat qui oppose les deux grands courants de la phénoménologie, intentionnelle et non-intentionnelle.
Du point de vue de la seule œuvre husserlienne, la critique de l’objectivité du monde ne la maintient-elle pas en partie ? Pour n’être plus objectif au sens d’indépendant, le monde ne reste-t-il pas « objet » de la conscience, tenu à la distance théorique de l’intentionnalité constituante ? Or, comme le laissent déjà présager certains textes de Husserl, l’objectivité de l’objet n’épuise pas réellement l’apparaître du monde, le comment originaire de sa manifestation. Il s’agit donc de repenser l’épreuve du monde au-delà ou en deçà de toute objectivité. Ce questionnement s’ouvre alors à toute la tradition phénoménologique husserlienne et post-husserlienne, dessinant différents thèmes d’investigation :
Le monde se fait-il l’objet d’une saisie, ou l’horizon infini de toute expérience ? Cet horizon résulte-t-il d’une synthèse de nos expériences individuelles d’objets intramondains, ou les précède-t-il (Husserl, Heidegger, Merleau-Ponty) ? Peut-il être reconduit à une création de l’imagination (Kant, Heidegger, Henry), ou précède-t-il toute création comme toute position ?
Le monde est-il l’objet d’une constitution, ou la condition de toute subjectivation ? Cette antécédence doit-elle être pensée sur le mode d’une appartenance corporelle et dynamique (Patočka, Merleau-Ponty, Barbaras), comme mouvement individualisant (Fink), ou encore comme l’antécédence de la terre qui supporte et précède toujours son intériorisation (Levinas) ?
Le monde est-il « intérieur », au sens d’inhérent à la structure même de l’être-au-monde (Heidegger) ? Peut-il alors être repensé comme relatif à un projet-de-monde déterminé, configuré et bouleversé par les événements qui nous adviennent (Binswanger, Romano) ? Ou l’intériorité du monde se laisse-t-elle penser comme intériorité au monde, en termes d’appartenance ? Comme « chair » de laquelle nous participons (Merleau-Ponty), « demeure » ou « alimentation » (Levinas) ?
Comment penser ensemble, le « monde » et la « vie » (Henry, Barbaras) ? Le monde est-il voué à apparaître sur le mode d’une objectivité inerte et désaffectée, occultant l’intériorité pathétique de la vie ? Ou ne peut-il être repensé depuis elle, comme ce monde sensible ou pathétique, de part en part transi d’affectivité, ne s’éprouvant qu’en et depuis la vie ?
Le monde social et intersubjectif résulte-t-il d’actes empathiques de l’ego (Husserl, Fink, Stein) ? Ou précède-t-il toute existence individuelle (Husserl, Fink, Scheler, Heidegger, Merleau-Ponty) ? Ainsi tissé d’un même flux intercorporel, est-ce à dire que le monde social n’admet pas d’altérité, l’altérité n’apparaissant jamais qu’en dehors du monde (Levinas) ? Ou l’altérité est-elle l’un des modes de son apparaître ?
La critique phénoménologique du monde objectif de la science et de la technique a comme enjeu éminemment éthique, la possibilité de sa ré-humanisation.Kierkegaard ne disait-il pas déjà de la frénésie d’objectivité qu’elle est une folie de l’inhumanité ? Si diverses pensées phénoménologiques semblent s’accorder sur ce diagnostic, elles n’en divergent pas moins quant aux solutions prescrites. Comment ré-humaniser un monde aujourd’hui largement façonné par les lois objectives d’une technoscience autorégulatrice ? D’où le monde pourrait-il tenir un salut ? Est-ce par le renouvellement de sa rationalité, à condition d’être réinvesti d’une rationalité théorétique originaire, objet d’une connaissance universelle ou d’une rationalité pratique inhérente à sa perception axiologique ? Ou est-ce par un retour à l’affectivité, support et condition même de l’éthique ? Le monde peut-il redevenir un monde-de-valeurs s’il est incessamment reconduit au lieu assumé d’une épreuve affective ? Cette épreuve affective se laisse-t-elle penser comme saisie axiologique de valeurs idéales ? Depuis l’épreuve religieuse que le vivant fait de la Vie absolue ? Ou encore, comme l’épreuve de notre responsabilité face à l’altérité ?
L’enjeu éthique de cette critique devient sociétal dès lors que le monde objectif devient le monde économique de la vie. L’objectivité du monde social et économique ne s’atteint qu’au prix d’une autre forme d’« aliénation ». Le monde, ainsi régulé par des lois économiques objectives, ne se sépare pas seulement de l’épreuve sensible indissociable de sa perception, mais de l’activité humaine, indissociable de sa production. Et le travail ou l’activité humaine se trouvent arrachés à leur tour à leurs dimensions subjectives et affectives. Se pose donc la question de savoir si l’objectivité du monde relève de son mode essentiel de manifestation ou si elle ne résulte pas plutôt de révolutions historiques successives : scientifique, économique, industrielle et informatique. Comment dès lors repenser le monde socio-économique en deçà de l’apparente objectivité de ses lois ? Comment réinvestir le monde de l’activité subjective et vivante dont il n’est à l’origine que le déploiement ?
Ce questionnement s’adresse tout autant aux lectures phénoménologiques de théories politiques, sociologiques et économiques, qu’aux lectures politiques ou sociologiques de théories phénoménologiques.
« Un monde par essence esthétique, écrit Michel Henry, va cesser d’obéir à des lois esthétiques, telle est la barbarie de la science ». N’est-ce pas dès lors l’art lui-même qui peut rendre au monde sa dimension pathétique, sa part d’épreuve constitutive ? Le motif phénoménologique de la fonction salvatrice de l’art face au monde de la technique, peut-il être envisagé du point de vue d’une réhabilitation ou d’une révélation d’un monde esthétique ? Comme dévoilement poétique ? Comme expression du sentir corporel ? Ou encore, comme expression, dans le monde, de toutes les nuances émotionnelles de la vie ?
Le colloque est ouvert à toutes les personnes travaillant en phénoménologie et souhaitant proposer une réflexion historique ou problématique sur l’approche phénoménologique du monde ainsi que sur ses enjeux éthiques, socio-économiques, politiques et esthétiques. Sera bienvenue, toute proposition de communication proposant une réflexion sur le monde susceptible de s’inscrire dans l’un des différents axes problématiques dégagés par l’argumentaire.
Le colloque est organisé autour de conférences plénières et d’interventions réparties en sections thématiques.
Toute personne désirant proposer une contribution peut soumettre un résumé de la communication (15 à 20 lignes), à l’adresse suivante fonds-michelhenry@uclouvain.be.
Chaque proposition fera l’objet d’un accusé de réception et la décision d’acceptation du comité organisateur parviendra à l’intéressé(e) au plus tard le 20 avril 2018.
Les frais de déplacement et de séjour sont à charge des personnes proposant une contribution (des informations sur les possibilités d’hébergement seront communiquées sur demande).
Un certificat de participation sera délivré à quiconque en fera la demande, la contribution pouvant être comptabilisée dans le cadre de la formation doctorale, selon les normes particulières en vigueur.
Les travaux du colloque seront publiés.
JEAN LECLERCQ, Professeur, Fonds Michel Henry, Institut supérieur de philosophie, Université catholique de Louvain
PAULA LORELLE, Chargée de recherche FNRS, Fonds Michel Henry, Institut supérieur de philosophie, Université catholique de Louvain
Bibliographie henryenne et publications personnelles (ouvrages) :
Je continue de mettre à jour une bibliographie de et sur Michel Henry, commencée il y a plus de vingt ans. Si vous souhaitez la recevoir, n’hésitez pas à me la demander et je vou
Philosophie :
À l’Orient de Michel Henry, Paris : Éd. Orizons, 2014
Épreuve de soi et vérité du monde : depuis Michel Henry, Paris : Éd. Orizons, 2016
Autres textes :
Roland Vaschalde (textes) / Pierre Rivas (photos): Signes d’étangs, Éd. de la Fenestrelle, 2015
Roland Vaschalde (textes) / Pierre Rivas (photos): Chaos: Nîmes-le-Vieux, Éd. de la Fenestrelle, 2017
L’art de Joëlle Buisson : encres, peintures, haïkus, Éd. de la Fenestrelle, 2017
Roland Vaschalde (textes) / Pierre Rivas (photos): Les Jardins aux reflets de Nîmes, Ed. de la Fenestrelle, 2017